Le paradoxe AD Laurent : banni de TikTok pour hypersexualisation, puis auditionné à l’Assemblée nationale
L’affaire AD Laurent est symptomatique d’une difficulté majeure de notre époque : comment encadrer les dérives sur les réseaux sociaux sans tomber dans une politique spectacle et contradictoire ?
AD Laurent, ancien candidat de téléréalité devenu influenceur TikTok aux millions d’abonnés, a vu son compte supprimé à la demande du gouvernement français pour cause de contenus jugés hypersexualisés et toxiques. Quelques semaines plus tard, ce même créateur est convoqué à l’Assemblée nationale pour être auditionné dans le cadre de la commission TikTok, censée évaluer l’impact du réseau social sur la jeunesse.
La suppression de son compte TikTok : des contenus jugés inappropriés
Le 14 mai 2025, la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, alerte TikTok sur la dangerosité supposée des contenus publiés par AD Laurent. Elle dénonce une vision déformée et violente de la sexualité, des allusions sexuelles constantes dans des lives avec des jeunes filles, et l’apologie de pratiques non consenties. TikTok réagit en supprimant son compte moins de 24 heures plus tard, sans notification préalable.
L’influenceur, lui, crie à la censure et réclame le respect de sa liberté d’expression. Il défend ses contenus comme humoristiques, légaux et pédagogiques, affirmant qu’il incite à la liberté sexuelle, au respect et au consentement. Il rejette toute responsabilité quant à la jeunesse de son audience, rappelant que TikTok est en théorie interdit aux moins de 13 ans.
Une commission TikTok pour mieux comprendre l’impact des réseaux
Créée en mars 2025, la commission parlementaire TikTok vise à évaluer les effets de la plateforme sur la santé mentale des jeunes. Elle auditionne des experts, des associations, des familles, mais aussi des influenceurs phares comme Hugo Décrypte, Nasdas, et AD Laurent.
Le but affiché ? Comprendre si les créateurs ont conscience de la portée de leurs contenus. Mais le choix de certains profils interroge. Pourquoi donner la parole à un influenceur tout juste banni pour dérives sexistes et toxiques ? Est-ce une volonté de confrontation utile, ou un simple coup de projecteur ?
Une incohérence politique flagrante
La juxtaposition d’une sanction ferme et d’une invitation à s’exprimer brouille le message public. L’État veut-il protéger la jeunesse par des actions répressives, ou nourrir le débat en impliquant toutes les voix, même les plus controversées ? Ce double discours donne l’impression d’une politique de communication improvisée plus que d’une stratégie structurée.
Quelle représentation pour les créateurs responsables ?
Derriere cette affaire, une question centrale se pose : qui parle au nom des créateurs de contenu ? Pourquoi inviter des figures polémiques plutôt que des profils pédagogiques, artistiques ou engagés ? La majorité silencieuse des créateurs responsables n’est ni représentée ni consultée.
Pour être efficace, la régulation doit être cohérente, lisible et inclusive. Le cas AD Laurent rappelle qu’on ne peut pas à la fois museler une voix et lui tendre un micro. Cette contradiction affaiblit la crédibilité des politiques publiques face aux enjeux numériques.
L’écosystème des réseaux sociaux mérite mieux qu’un casting bancal et une posture réactive. Il est temps d’agir avec clarté et ambition pour encadrer les dérives, tout en valorisant les voix qui élèvent le débat.